L'arbre de vie

La réalité des peuples autochtones est bien plus complexe que l'on pourrait l'imaginer au premier abord. Ce sont plusieurs nations avec leur langues propres et leurs spécificités culturelles, leurs liens économiques et leurs rivalités...

 
Carte des 1ères nations de Colombie Britannique (Musée d'Anthropologie à Vancouver)

Une chose est sûre cependant, pour tous les peuples vivant dans et de la forêt humide de la côte pacifique, le thuya (Thuja plicata), ou cèdre rouge comme on l'appelle ici est incontestablement l'ARBRE DE VIE.

 Il permettait de répondre à tous les besoins :

 Son bois servait à bâtir des maisons...
avec d'immenses poutres,
 avec des planches parfois façonnées à même l'arbre.

Les énormes troncs étaient transformés en canoës, certains servant à aller chasser la baleine ou à naviguer en pleine mer, d'autres pouvant contenir jusqu'à une centaine d'hommes...
Ils permettaient aussi de sculpter et d'ériger d'imposants mâts totémiques remplissant plusieurs fonctions sociales et culturelles... Ils pouvaient atteindre plus de 7 mètres de haut!
Le bois était aussi utilisé pour façonner des "bentwood boxes", des boites en "bois plié", selon une technique originale. Elles pouvaient servir aussi bien, pour la vie de tous les jours, pour les cérémonies ou pour recueillir les restes des défunts.
 "FABRICATION : les boites en bois plié sont construites selon un ingénieux processus propre aux cultures de la côte nord-ouest. Trois sillons ou rainures sont creusés dans une unique planche de cèdre rouge ou jaune. La planche est ensuite assouplie sous l'action de la vapeur et pliée pour former 3 coins. Le quatrième coin et chevillé ou cousu, une base est fixée et un couvercle ajusté pour refermer la boite."

Pour fabriquer des objets cérémoniels comme ce plat et ces couverts géants utilisés lors des potlach,
 ou ce masque porté lors de danses rituelles

Mais l'utilisation du cèdre rouge ne se limitait pas à ces usages... Grâce à un savoir faire datant de plusieurs millénaires, les racines, l'écorce, mais aussi les branches étaient travaillées pour être tissées, permettant ainsi de confectionner divers objets bien utiles :

 Des habits...
 
des chapeaux...
 
Sous la pluie, de tels vêtements révèlent leurs propriétés imperméables : en effet avec l'humidité, les fibres du thuya gonflent et comblent ainsi tous les interstices.

des paniers...
 des cordes...
La partie tendre et filandreuse de l'écorce était même récoltée pour garnir les couches de bébés.

Mais pour ce faire, aucun arbre n'était coupé inutilement. Ainsi dans la culture autochtone, la responsabilité du chef était de prendre soin des terres qui composaient son territoire au nom de son peuple au profit des générations futures. Il y arrivait en suivant le principe qui dit que tout ne fait qu'un et qui se fonde sur le respect et le lien spirituel qui unit toutes les formes de vie.

Avant d'abattre un arbre, et parce que les ces géants vénérables à l'âge canonique étaient souvent creux, des tests étaient effectués. On creusait une cavité dans le tronc, et on y allumait un feu. Si la fumée remontait jusqu'à sa cime, il ne servait à rien de le couper, car son bois serait inutilisable. Avant de prélever les bandes d'écorce nécessaires à la vannerie, on réalisait également une bande test. Si l'écorce se décollait mal, c'est que l'arbre n'était pas prêt. Les planches étaient parfois façonnées à même l'arbre, celui-ci continuait alors à vivre avec cette blessure. Il en allait de même pour le matériau nécessaire à la confection d'un canoë. 

Avant de récolter de l'écorce, le cueilleur récitait des prières de remerciement afin d'exprimer de la gratitude envers l'arbre "qui donnait son vêtement afin que l'homme puisse vêtir sa famille". Et si finalement une coupe s'imposait, les bûcherons ne regardaient jamais l'arbre tomber, et attendaient généralement le lendemain pour aller chercher le bois, en marque de respect. 

Ces pratiques ont donné naissance à ce qu'on appelle aujourd'hui des CMT, des "Culturally Modified Trees" ou "arbres culturellement modifiés", qu'il est encore possible aujourd'hui d'observer en forêt.

Trou de test dans un thuya
 Cicatrices

Les traces des interventions des européens en forêt sont aussi visibles, comme c'est le cas de ces encoches dans lesquelles ont plaçait des planches. Ceci permettait ainsi au bûcheron de se hisser au dessus de la partie la plus épaisse de l'arbre, trop difficile à couper.
 Cependant, on ne peut pas dire que l'exploitation de la forêt se faisait dans le même esprit de durabilité... Peu de forêts en Colombie Britannique ou même au Canada ont été épargnées par les coupes à blanc...

Sources :
Panneaux d'interprétation du parc national du pacific rim, du parc provincial Mac Millan, du musée d'Anthropologie de Vancouver et du musée royal de Colombie Britannique à Victoria.
Guide des visiteurs du parc national de Gwaii Haanas à Haida Gwaii.
Cedar, ouvrage de Hilary Stewart.
Carte postales imprimées par la compagnie Native Elements.

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